Il était une fois... contes, mythes et réalisation de Soi.
S’accomplir ! Devenir soi-même! Trouver le sens! Ces formules rabâchées sont-elles autre chose que les slogans publicitaires d’une psychologie en quête de clientèle ? Les contes n’ont plus rien à nous dire ? clament les esprits forts.
Quant aux mythes, ils ne seraient que des curiosités archéologiques sans valeur pour le présent. À bien y regarder, ces affirmations tirent leur force de la croyance en une science classique, rationnelle, un savoir qui veut expliquer les phénomènes en termes de vrai-faux, cause et effet. Il offre des codes : codes scientifique, d’écriture, d’organisation, de politesse, etc...
Ces conquêtes de l’intelligence et de la raison laissent de côté des questions vitales : comment apprivoiser les pulsions, vivre les émotions sans «péter un câble», se remettre d’une blessure d’amour, sortir du puits de la dépression ?
À ces questions brûlantes, le papillon de l’âme risque de brûler ses ailes aux lumières de la science, ou de finir, au nom d’une raison [d’une science] toute-puissante, tué et embroché au fond de la boîte d’un collectionneur.
C’est alors que s’ouvrent deux autres voies : celle des apprentissages qui enseignent un savoir-faire et celle de la sagesse, du savoir-être.
Il s’agit de mettre à l’épreuve ses propres forces, de participer au monde qui nous entoure, de trouver l’expression juste qui nous fera vibrer ensemble à l’écoute de la vie. Le feu ou l’ampoule électrique éloigne certes la nuit mais pas la peur du noir.
L’antidépresseur ou le (dé)conditionnement nous retiennent au bord du gouffre de la dépression mais ils ne changent pas la manière de vivre qui nous y a précipités.
C’est alors que l’ouverture du coffre au trésor des contes, l’exploration des grottes [cavernes] et des montagnes des mythe mènent à la (re)découverte d’un savoir qui parle à l’âme de l’aventure de la vie et des étapes à franchir.
Ce domaine que Jung nomme «mytho-poétique» et Corbin «imaginal» nous réserve bien des surprises et des émerveillements.
Voici Harry Potter qui échappe à l’enfer d’une famille injuste et esclavagiste en découvrant les forces du symbolique, voici Frodon, dans «Le Seigneur des Anneaux», terrifié par l’ampleur de sa quête mais dont la ténacité, la résiliance, résiste au milieu de la guerre entre les forces du mal et du bien.
Blanche-Neige apprend à devenir femme au service des sept nains, Psyché descend aux enfers en quête d’amour, Rose-Blanche et Neige-rouge apprivoisent le masculin.... Sans théories ni complications, les mythes et les contes ouvrent à la partie de la réalité irrationnelle c’est-à-dire non mesurable par les instruments de la science.
Les impératifs logiques cèdent la place aux impératifs subjectifs, psychologiques. Contes et mythes offrent des systèmes symboliques qui agissent comme transformateurs d’énergies archaïques ou inconscientes, ces monstres, ogres et ogresses, animaux et dragons , serpents et oiseaux qui peuplent nos rêves et hantent les recoins ombreux de nos vies.
De nos jours , l’ogre [peut se déguiser] se déguise en entreprise, le tyran en administration , le démon en manipulateur.
Lorsque les adultes que nous sommes ont élevé le mur des explications entre eux et la nature, lorsqu’ils se sont emprisonnés dans les barreaux de leurs convictions, ils se retrouvent coupés des forces créatrices de renouveau qui gisent dans la terre de l’inconscient, ce terreau de l’arbre de notre vie que sont les minéraux, les végétaux et les animaux.
Objets secourables, plantes qui parlent animaux auxiliaires sont les représentations de forces potentielles qui s’éveillent dans l’inconscient lorsque nous sommes dans l’impasse. À nous d’apprendre à les accueillir et les apprivoiser.
On aura compris que les contes et les mythes mettent en scène des phénomènes psychiques et proposent des parcours symboliques qui visent à l’intégration des forces collectives et personnelles, processus que Jung nommait «individuation».
Ces récits offrent à la fois une structure qui sécurise car ils comportent des thèmes qui se répètent de l’un à l’autre selon un ordre logique, et la découverte du merveilleux, du singulier, de la forme individuelle que prend l’aventure transpersonnelle pour un sujet singulier.
Telle est la recette magique des récits, celle qui en fait une nourriture affective: leur capacité à tenir ensemble la mesure et la déraison, l’ordre et la poésie.
Loin de détruire la beauté des contes ou la splendeur des mythes, ou d’en réduire l’attrait, la découverte de leurs arrières-plans mène à la rencontre de reliefs insoupçonnés, à l’éveil de ce savoir de sagesse transmis de bouche à oreille, de vieilles à enfants, de chasseurs à conteurs. Temps et espace, ceux du rêve, du conte, du mythe, ouvrent à la quatrième dimension de la vie, celle qui fait la fertilité de l’instant et la promesse du devenir.
Olivier Desurmont